Les pouvoirs d'investigation du fisc en cas de contrôle inopiné ou annoncé

Quels sont vos droits en cas de visite d'un contrôleur fiscal?

Les pouvoirs d'investigation du fisc en cas de contrôle inopiné ou annoncé

1. Contrôle annoncé ou inopiné ?

Un contrôle fiscal peut constituer une mauvaise surprise, a fortiori si l’on y est mal préparé et/ou que le contrôleur débarque à l’improviste !

Le fisc dispose de larges pouvoirs d’investigation. Peut-il les exercer sans prévenir ?

1. La loi permet au fisc de mener ses investigations sans préavis, ni avertissement préalable, que ce soit pendant la période imposable (via la section de recherches, généralement) ou pendant les trois années qui suivent en matière d’impôts directs, voire pendant toute la durée du délai ouvert en matière de TVA. Si le fisc veut opérer, à l’égard du contribuable, des vérifications dans le délai supplémentaire de quatre ans en cas de fraude présumée en matière d’impôt sur le revenu, il doit au préalable notifier au contribuable concerné les indices de fraude dont il dispose.

Cela signifie qu’en théorie, un contrôle peut intervenir à n’importe quel moment et concerner non seulement les revenus et charges de l’année en cours, mais également des trois années précédentes (en matière d’impôts sur le revenu, sauf prolongation en cas de fraude, après notification préalable) ou des sept années précédentes (en matière de TVA, sans notification préalable).

Toutefois, il faut noter que l’administration invite elle-même ses agents à ne pas procéder, de manière inopinée, à des contrôles approfondis. Cette recommandation nous paraît frappée au coin du bon sens et constitue une des manifestations du principe de bonne adminis­tra­tion, le principe de fair-play. À cet égard, nous soulignons l’existence d’une circulaire administrative du 29 juillet 2002, destinée à rappeler certaines règles de bienséance aux fonctionnaires fiscaux.

Il faut reconnaître que, dans certains secteurs d’activités, jugés « sensibles » par le fisc, des contrôles inopinés (souvent couplés, alors, avec des contrôles de l’inspection sociale), s’avèrent plus fréquents (secteur horeca, de la construction, etc.).

2. En principe, un contrôle mené en matière d’impôt sur le revenu, dans le cadre du délai augmenté à sept ans pour fraude ne peut jamais être qualifié d’inopiné, puisque le fisc doit au préalable vous avoir notifié les indices de fraude retenus à votre charge.

La loi n’impose aucun délai quant à ladite notification, qui pourrait dès lors intervenir la veille, voire le jour même d’un contrôle fiscal !

Enfin, le fisc peut, sans notification préalable, procéder à un contrôle dans le délai augmenté de sept ans en cas d’infraction à la réglementation TVA commise avec intention frauduleuse ou dessein de nuire.

2. Qui le fisc peut-il interroger ?

La loi impose au contribuable, à l’assujetti et aux tiers des obligations diverses, consistant notamment à répondre aux questions du fisc

Pour mener à bien sa mission, le fisc peut poser des questions non seulement au contri­buable ou à l’assujetti qu’il souhaite contrôler, mais également à tout un chacun.

2.1. Le contribuable

Afin d’appréhender au mieux votre situation fiscale, le fisc peut évidemment vous interroger personnellement.

1. Cette interpellation peut être réalisée verbalement, notamment lors d’un contrôle sur place. Elle peut également se faire par écrit, par le biais d’une demande de renseignement en matière d’impôt sur le revenu, fondée sur l’article 316 du CIR.

Dans ce dernier cas, en matière de contributions directes, vous disposez d’un délai d’un mois, prenant cours le troisième jour ouvrable suivant l’envoi de la demande, pour répondre au fisc et lui communiquer les informations demandées. Vous pouvez demander une prolongation du délai de réponse, pour des raisons impérieuses (déplacement à l’étranger, maladie, etc.).

La jurisprudence considère généralement que le fisc ne peut recourir à la demande de renseignements que s’il dispose d’éléments préalables lui permettant de supposer que votre situation fiscale ne correspond pas au contenu de vos déclarations.

Il ne lui serait donc pas permis d’y recourir de manière tout à fait générale et de vous inviter, par exemple, à lui détailler toutes vos possessions immobilières ou vos avoirs mobiliers (sans distinguer ce qui peut donner lieu à taxation ou non) (voir notamment l’arrêt prononcé par la Cour d’appel de Liège le 19 novembre 2004).

De même, la demande de renseignements ne peut concerner la qualification des revenus : c’est le travail de l’administration et elle ne peut le déléguer au contribuable, a fortiori dans le cadre d’une demande de renseignements à laquelle il est, en principe, contraint de répondre.

2. En matière de TVA, le délai d’un mois ne s’applique pas, mais l’administration recommande à ses agents d’accorder à la personne interrogée un délai suffisant et raisonnable pour répondre aux demandes du contrôleur. Généralement, le délai accordé était de vingt jours, mais il est désormais souvent aligné, dans la pratique, au délai de réponse en matière de contributions directes, soit un mois.

3. Si la loi n’interdit pas qu’un agent du fisc vous invite à se présenter à son bureau pour y répondre à des questions, rien ne vous oblige non plus à répondre à cette invitation, puisque la loi ne le prévoit pas : c’est à lui, en principe, à se déplacer !

4. Cette obligation de répondre aux interrogations du fisc comprend également l’obligation de présenter tous les livres et documents dont vous disposez et qui permettent de déterminer le montant de vos revenus imposables ou la juste perception de la TVA (art. 315 CIR ; art. 61, §1 CTVA), mais également un droit d’accès aux locaux professionnels (art. 319 CIR ; art. 63 CTVA).

Si vos documents sont tenus sur support informatique, vous pouvez être tenu de les communiquer à l’administration ou d’en réaliser une copie. Cela inclut les dossiers d’analyse, de programmation et d’exploitation du système utilisé, ainsi que les supports d’information et toutes les données qu’ils contiennent, le tout devant être communiqué « sous une forme lisible et intelligible » en vertu de l’article 315bis du CIR.

Les réponses que vous formulez peuvent avoir pour conséquence le redressement fiscal d’un tiers, si les réponses sont de nature à démontrer, dans son chef, qu’un impôt supplé­mentaire doit lui être réclamé.

5. Si vous estimez que le fisc abuse de ses droits quant au contenu de ses questions ou si vous pensez qu’il y a de judicieux motifs pour refuser de répondre aux questions posées, il convient de le consigner par écrit, dans le délai précité.

En effet, le fisc peut sanctionner une absence de réponse ou un refus de répondre, mais ce refus peut être justifié et, dans ce cas, le fisc ne pourra vous infliger d’amende. Si vous décidez d’invoquer votre droit au silence, faites-le savoir !

2.2. Les tiers en général

1. Le fisc peut également, en principe, interroger tout tiers de son choix quant à votre situation fiscale personnelle ou à la correcte perception de la TVA (art. 322 CIR ; art. 61, §1 et art. 62 CTVA).

La loi autorise le fisc à interroger un tiers, afin de lui demander des renseignements ou une attestation vous concernant. La demande ne doit pas nécessairement concerner un contri­buable déterminé, ni un fait précis.

2. Le pouvoir d’investigation du fisc touche aussi les fonctionnaires des autres ministères et des services administratifs et publics (art. 327 CIR pour ce qui concerne les contributions).

3. Le recours à l’interpellation de tiers doit demeurer marginal, en matière d’impôt sur le revenu. L’administration elle-même recommande de n’y recourir qu’en cas de refus ou de silence du contribuable concerné et/ou lorsque les informations à recueillir sont indispensables à l’enquête.

Le droit d’interpeller les tiers n’implique pas le droit d’accéder à leurs locaux professionnels, du moins en matière d’impôt sur le revenu (en matière de TVA, l’art. 63 CTVA l’autorise).

Les contrôleurs TVA peuvent, à tout moment, solliciter de tout tiers la production de tout document utile (facture, livre de comptes, etc.) à la perception de la taxe. Ils peuvent également en réclamer copie, voire emporter les originaux, contre procès-verbal de rétention (ils ne peuvent toutefois emporter les livres de l’exercice en cours).

2.3. Les banques et établissements de crédit et de leasing

Parmi les tiers que le fisc peut interroger, il en est qui bénéficient d’un statut tout à fait parti­culier sur le plan de l’impôt sur le revenu : ce sont les banques et établissements de crédit et de leasing. Nul n’ignore plus que le secret bancaire est passé à la trappe, sacrifié sur l’autel de la lutte contre la fraude fiscale.

Désormais, le fisc peut s’adresser à votre banque pour lui demander des renseignements relatifs à votre situation fiscale. Toutefois, les banques ne sont pas devenues des tiers ordinaires et le fisc ne peut se contenter de les interroger pour que celles-ci soient tenues d’y répondre, car il est tenu de respecter l’article 322, §2 du CIR.

En effet, le fisc doit, en premier lieu, vous demander personnellement les informations qu’il souhaite obtenir et, seulement si vous refusez ou négligez de répondre, il peut solliciter les informations utiles auprès de la banque ou de l’établissement de crédit concerné. En outre, le fisc ne peut procéder de la sorte que lorsqu’il dispose d’indices de fraude fiscale vous concernant ou qu’il envisage de procéder, à votre égard, à une taxation indiciaire (taxation sur signes et indices d’aisance).

La création d’une banque de données centralisée devrait permettre au fisc d’obtenir rapide­ment et facilement les renseignements utiles. En effet, cela permettra à votre contrôleur de savoir quelle banque interroger, puisqu’il pourra savoir où vous détenez des comptes.

Sur le plan de la TVA, les contrôleurs ne peuvent interroger les banques, au sujet de leurs clients, que moyennant une autorisation spéciale délivrée par le fonctionnaire compétent désigné par le ministre des Finances. L’article 62bis du CTVA ne précise pas dans quelles circonstances ni pour quel motif cette demande est admise.

Cet exemple touche du doigt une difficulté qui peut survenir en pratique. En effet, les différents codes fiscaux prévoient une solidarité entre services et une obligation de collaboration, voire de communication spontanée d’informations. Or, ce qu’un agent ne peut faire directement, il ne peut, en principe, pas le faire non plus par une voie détournée, par exemple en deman­dant à un collègue compétent d’un autre service de procéder à la mesure d’investigation, puis de lui en communiquer le résultat.

Cela s’appelle un détournement de procédure, qui doit être sanctionné radicalement, par l’annulation de la cotisation ou de la dette TVA qui serait le résultat de cette démarche.

3. Que peut-on répondre ? Que doit-on transmettre ?

3.1. Obligation de collaboration

Non seulement vous devez, en principe, répondre aux questions du fisc, mais encore êtes-vous tenu de lui communiquer les documents et informations utiles à la détermination de votre situation fiscale.

1. Vous devez répondre aux questions posées, verbalement ou par écrit, par le fisc, que les investigations vous visent personnellement ou qu’elles concernent un tiers, tout comme les tiers sont tenus de répondre aux questions que pose le fisc à votre égard.

Si les questions sont posées verbalement, vous y répondez de même.

Si elles sont posées par écrit et concernent l’impôt sur le revenu, vous disposez d’un délai d’un mois pour y répondre, également par écrit, le délai commençant à courir le troisième jour ouvrable suivant l’envoi du document par l’administration fiscale. Vous pouvez demander une prolongation du délai de réponse, pour des raisons impérieuses (déplacement à l’étranger, maladie, etc.).

Si la loi n’interdit pas qu’un agent du fisc vous invite à se présenter à son bureau pour y répondre à des questions, rien ne vous oblige non plus à répondre à cette invitation, puisque la loi ne le prévoit pas.

Le refus de réponse peut être sanctionné par l’administration des contributions, qui dispose de la faculté de recourir au mécanisme de la taxation d’office (en imposant les revenus dont elle a connaissance), outre la possibilité de vous infliger une amende administrative. En matière TVA, l’absence de réponse sera sanctionnée par la délivrance d’une contrainte et/ou par l’application d’une amende.

Cependant, une partie de la jurisprudence considère aujourd’hui que s’il est fait état, à votre égard, de menaces de sanctions, vous pouvez refuser de collaborer à l’enquête, et ce refus ne peut être sanctionné par une amende ou un accroissement accru, voire empêcherait l’administration de recourir à la taxation d’office.

2. En outre, vous êtes tenu de communiquer au fisc tous les livres et documents que le fisc juge pertinents en vue d’établir votre situation fiscale.

Il ne s’agit pas uniquement des comptes et documents dont la loi impose la tenue : si vous tenez une comptabilité complète, en parties doubles, alors que vous n’y êtes pas légale­ment tenu, le fisc peut vous en demander communication.

De même, si vous tenez des documents propres à votre entreprise et qui sont nécessaires ou utiles à son fonctionnement (carnet de rendez-vous, agenda, etc.), vous devrez les soumettre au contrôleur, s’il en demande la communication.

3. Pour rappel, vous devez conserver tous les documents utiles au lieu où vous exercez votre activité. Le délai de conservation est de sept ans, expirant à la fin de la septième année ou du septième exercice comptable suivant la fin de la période imposable ou la date d’émission de la facture. Le délai de conservation est porté à quinze ans, pour les assujettis à la TVA, en ce qui concerne la TVA applicable à la construction d’un bien immeuble.

Exemples

Vous devez conserver, jusqu’au 31 décembre 2027, tous les documents et pièces justifi­catives relatifs aux revenus 2020. Vous facturez des prestations à un client le 15 mai 2020. Vous devez conserver le double des factures, à votre siège d’activité, jusqu’au 31 décembre 2027, dernier délai en matière de TVA.

4. Normalement, les documents originaux doivent se trouver au siège d’activité, afin qu’ils puissent être produits immédiatement, en cas de contrôle inopiné (art. 315 in fine du CIR en ce qui concerne les contributions directes ; en matière de TVA, l’assujetti a le choix du lieu de conservation, mais il doit pouvoir présenter les documents sans retard, en cas de demande de l’administration).

La loi ne prévoit d’exception pour l’impôt sur le revenu, qu’en cas d’autorisation de l’administra­tion (laquelle doit être, en principe, demandée préalablement au déplacement des livres), ou de saisie des documents par la justice.

En pratique, il n’est pas rare que les documents se trouvent chez le comptable, ce que l’administration ne remet généralement pas en cause.

5. Les documents purement privés ou sans lien avec vos activités et revenus ne peuvent, en principe, pas être consultés par le fisc, même s’ils pourraient, le cas échéant, servir à justifier une taxation indiciaire.

Ils ne doivent donc pas nécessairement être conservés non plus, mais la prudence justifie qu’on les garde néanmoins un certain temps, notamment s’ils concernent un investisse­ment privé important (ce sera utile en cas de taxation indiciaire éventuelle.

6. Le contrôleur des contributions peut examiner les documents qui lui sont produits et les emporter pour poursuivre l’examen ultérieurement dans son bureau, en vertu de l’article 315bis du CIR. Le droit d’emporter les documents ne vaut que pour les exercices clôturés (non pour l’année en cours, ce qui empêcherait le contribuable de respecter ses obligations, notamment d’encodage des opérations) et nécessite la rédaction d’un procès-verbal de rétention.

Dans le cadre d’un contrôle portant sur la réglementation TVA, le contrôleur peut également consulter les documents de l’assujetti et emporter les livres comptables des exercices clôturés, moyennant la rédaction d’un procès-verbal de rétention (art. 61, §2 CTVA).

Si vous tenez les documents utiles sur support informatique, vous devez en communiquer la teneur au fisc et, le cas échéant, lui en fournir copie, mais l’agent contrôleur ne peut prendre les copies lui-même : c’est au contribuable qu’il revient de réaliser les copies utiles, sous le contrôle du fisc (art. 315bis CIR ; art. 61, §1 CTVA).

Le fisc peut alors emporter ces copies, pour examen ultérieur.

On constate, sur ce point, une bizarrerie : le fisc peut consulter les documents tenus sur support papier, sans pouvoir en demander copie. En revanche, tous les documents tenus sur support informatique doivent être dupliqués à la demande du contrôleur et la juris­prudence admet qu’il emporte ces copies.

 

Conseils pratiques et avertissements

  • Le droit de recevoir copie n’existe que pour les dossiers et documents tenus de manière informatisée. La loi ne prévoit pas l’obligation de remettre au fisc une copie des documents tenus sur support papier.

Il peut néanmoins être judicieux d’accéder à une telle demande de la part de l’administra­tion fiscale, d’autant que le contrôleur dispose de la faculté d’emporter les livres originaux des années clôturées.

  • De même, vous pouvez autoriser le contrôleur à emporter les documents qu’il souhaite, ou lui en délivrer copie. Cela peut faciliter vos relations avec le contrôleur et cela évite surtout que celui-ci passe « trop » de temps dans vos locaux.

Dans ce cas, veillez néanmoins à vous réserver la preuve de cette transmission, par l’élaboration d’un inventaire détaillé que vous faites signer par l’agent contrôleur.

7. Si vous êtes tenu légalement au respect du secret professionnel, vous pouvez et devez l’opposer au fisc, conformément à l’article 334 du CIR (en matière d’impôts directs), mais unique­ment au sujet des informations et documents qui vous paraissent couverts par ce secret.

Contrairement à une croyance largement répandue, le secret professionnel, au sens légal du terme, concerne, en définitive, peu de contribuables et il ne convient donc pas de l’invoquer à tort et à travers. Ainsi, sont tenus à un véritable secret professionnel : les avocats, les notaires, les médecins, les magistrats, les huissiers de justice, les (experts-)comptables, les fonction­naires de l’administration fiscale, les détectives privés, etc. (art. 458 C. pén.).

En tout état de cause, le contribuable tenu au secret professionnel doit veiller à le respecter, car sa violation est susceptible d’entraîner, le cas échéant, des sanctions pénales ou disciplinaires, voire une action en responsabilité de la part des victimes d’une divulgation illicite d’informations les concernant !

8. Lorsque le fisc requiert d’un service public ou d’une administration sa collaboration dans le cadre d’une enquête fiscale, non seulement ce dernier a l’obligation de collaborer, mais encore a-t-il l’obligation de laisser prendre copie des documents et pièces utiles.

À cet égard, les services publics sont donc tenus d’une obligation de collaboration plus importante que celle des tiers ordinaires, dont le fondement est notamment l’article 327 du CIR, en matière de contributions directes. Les différentes administrations n’ont toutefois pas d’obligation spontanée de dénonciation vis-à-vis du fisc, à l’exception des services fiscaux qui se doivent une mutuelle coopération et du parquet, normalement tenu de dénoncer au fisc les faits de fraude fiscale dont il a à connaître.

Il faut toutefois noter que le fisc ne peut prendre connaissance ou copie d’un dossier judi­ciaire que moyennant l’autorisation préalable et écrite du procureur général de la cour d’appel dans le ressort duquel le dossier est traité.

3.2. Droit au silence

La Convention européenne des droits de l’Homme comporte, au profit des citoyens, des garanties pour que tout procès les concernant soit mené de manière loyale, par des tribunaux indépendants et nommés dans le respect des lois.

Parmi ces garanties, on retrouve le droit de ne pas participer à sa propre condamnation. Le fameux « droit de se taire », évoqué dans toute bonne série policière trouve son fondement dans l’article 6 de cette Convention (bien que les feuilletons américains fassent, en réalité, référence à un autre texte fondateur, la notion est la même et recouvre donc une certaine forme d’universalité).

Longtemps s’est posée la question de l’application de ces principes au contentieux fiscal, puisqu’en principe, il n’est pas visé par la Convention, qui ne concerne que les procédures civiles ou pénales.

Cependant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ne fait plus guère de doute : dès lors que des mesures fiscales sont considérées comme ayant un caractère pénal, toutes les garanties prévues par la convention doivent être mises en œuvre (comme l’a rappelé la Cour d’appel de Mons dans un arrêt du 12 décembre 2017).

Schématiquement, on considère qu’une sanction a un caractère pénal, dès lors qu’elle n’a pas principalement un but indemnitaire, mais dissuasif ou de sanction.

Lorsque l’État belge instaure des accroissements d’impôt, ceux-ci n’ont pas un but directe­ment indemnitaire, mais plutôt dissuasif. C’est d’autant plus vrai qu’ils sont importants et qu’ils visent des contribuables jugés de mauvaise foi.

Dès le moment où les agents du fisc laissent entendre que des sanctions pénales ou des sanctions administratives présentant un caractère pénal pourraient vous être appliquées, vous pouvez décider de vous taire et de ne pas collaborer à l’enquête.

La jurisprudence actuelle a tendance à considérer que vous n’êtes effectivement pas tenu de collaborer à une enquête fiscale dont l’une des conséquences pourrait être l’application d’accroissements ou d’amendes à caractère pénal (voir notamment l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 19 septembre 2013, qui contient une remarquable synthèse de l’évolution jurisprudentielle à ce sujet).

Néanmoins, cela n’empêche pas l’administration de procéder, le cas échéant, à une taxation d’office, avec le renversement de la charge de la preuve qui en découle dans le chef du contribuable, ou de poursuivre la procédure de régularisation de la TVA sans votre assentiment.

En tout état de cause, votre refus de collaborer à l’enquête aura, sans doute, pour conséquence de fâcher votre contrôleur et vous pouvez donc vous attendre à ce qu’il use de tout l’arsenal à sa disposition, pour parvenir à vous infliger le redressement fiscal qu’il estime justifié.

Avant de refuser ou de négliger de répondre aux questions que vous pose le fisc, il est donc sans aucun doute judicieux de peser le pour et le contre. Votre comptable, voire un avocat fiscaliste, pourra certainement vous aider à faire le meilleur choix, en fonction de votre situation fiscale personnelle...

4. Le fisc peut-il perquisitionner ?

Le fisc peut procéder à des visites sur place, mais il n’a pas les pouvoirs d’un juge d’instruction. Les agents de la TVA peuvent également arrêter et visiter les moyens de transport.

1. Le libre accès aux locaux professionnels est garanti aux agents du fisc par la loi, même en dehors des heures habituelles d’activité (art. 319 CIR ; art. 63 CTVA). Les agents doivent être porteurs de leur carte d’identité professionnelle, ce qui vous permet de vérifier à qui vous avez à faire, puisque vous avez le droit d’exiger la production de la commission de l’agent.

Les agents n’ont pas un droit de perquisition : si vous leur refusez l’entrée, ils ne peu­vent forcer le passage (comme l’a confirmé la Cour constitutionnelle dans un arrêt du 12 octobre 2017).

2. Si des locaux sont habités, les agents du fisc ne peuvent y accéder que moyennant une autorisation du juge de police et entre 5 heures et 21 heures.

Il faut évidemment que le fisc justifie au préalable, lorsqu’il demande l’autorisation de visite, l’intérêt de visiter des locaux a priori privés. La procédure d’autorisation n’est cependant pas contradictoire et vous n’êtes donc pas invité à exprimer votre point de vue à ce sujet, préalablement à la visite des agents. En outre, le fisc ne peut visiter les locaux où exercent les professions libérales, lorsque des clients y sont présents.

3. Le droit d’accès aux locaux n’implique cependant pas que les agents puissent fouiller ceux-ci (ce qu’a également rappelé la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 12 octobre 2017).

Ils peuvent y accéder pour constater l’existence d’une activité ou en juger l’ampleur, mais également pour y requérir la présentation des livres et documents qu’ils peuvent réclamer. Les agents ne peuvent toutefois s’en saisir eux-mêmes. Une fois qu’ils les ont en mains, ils peuvent par contre les examiner à leur guise.

4. Les agents de la TVA peuvent également arrêter et « visiter » un moyen de transport (voiture, camion, train, etc.) s’ils l’estiment utile à leur enquête. Le droit de visite n’est pas un droit de perquisition : ils peuvent inspecter visuellement le véhicule, mais pas le fouiller.

5. Sanctions administratives et pénales

L’administration fiscale dispose d’un arsenal répressif, afin de contraindre les contri­bua­bles et les tiers à collaborer avec elle

Outre la possibilité de taxer d’office (en matière d’impôts sur le revenu) ou de régulariser par procès-verbal (en matière TVA), l’administration peut sanctionner le refus de réponse (ou l’absence de réponse dans le délai) par des amendes adminis­tratives et pénales.

En matière de contributions directes :

1. Les amendes administratives varient de 50 à 1 250 € en fonction du type d’infraction et des circonstances dans lesquelles elle est commise (art. 445, al. 1 CIR). Elles peuvent punir une simple omission (par exemple, un oubli de déclarer des revenus).

La procédure de recouvrement est identique à la procédure en matière d’impôt des personnes physiques, à savoir par voie de rôle rendu exécutoire (qui constitue le titre sur base duquel l’État peut procéder à une saisie pour obtenir paiement de l’amende), contre lequel une réclamation (puis un recours judiciaire, si nécessaire) peut être formulée (art. 445, al. 2 CIR).

2. Les sanctions pénales consistent en une peine de prison de huit jours à deux ans et/ou en une amende de 250 à 500 000 € (art. 449, al. 1 CIR). Elles visent à punir les infractions au Code des impôts commises avec intention frauduleuse ou dans le but de nuire au Trésor. Les sanctions sont portées de huit jours à cinq ans si l’auteur de l’infraction s’est rendu coupable de faute fiscale grave (art. 449, al. 2 CIR).

La procédure est diligentée comme en matière pénale pure et simple.

En matière de TVA :

1. La plupart des infractions en matière de TVA donnent lieu à une amende égale, en principe, au double de la TVA due (qu’il s’agisse d’un refus de déduction ou d’une TVA due). Il existe, toutefois, une possibilité de réduction des amendes, qui peut réduire celles-ci à 10 % de la TVA due (art. 70-71 CTVA).

2. Par exception, certaines infractions en matière de TVA donnent lieu à des sanctions dont le montant varie de 50 à 5 000 € par infraction (art. 70, §4 CTVA).

3. En cas d’infraction commise avec intention frauduleuse ou volonté de nuire aux intérêts du Trésor, l’assujetti peut encourir une peine de prison de huit jours à deux ans (cinq ans en cas de fraude fiscale grave) et/ou une amende de 250 à 500 000 € (art. 73 CTVA). Si l’infraction s’accompagne de faux en écritures, le minimum de la peine de prison est augmenté à un mois (art. 73bis CTVA).

Outre les principales sanctions exposées ci-dessus, le CTVA comporte encore d’autres sanctions, applicables à certaines infractions ou catégories de personnes, dont la liste exhaustive ne présente cependant, ici, qu’un intérêt limité.

Compte tenu de l’évolution de la jurisprudence, principalement sous l’impulsion de la Cour européenne des droits de l’Homme, on considère aujourd’hui, majoritairement, que les tribunaux ont le droit d’apprécier les conditions d’application d’une amende fiscale, adminis­trative ou pénale.

Ainsi, le juge peut vérifier si le contrôleur a recouru à l’amende dans un cas où la loi l’autorise, mais également s’il en a correctement déterminé le taux, par rapport à la base légale applicable et aux circonstances propres de la cause.

Le principe de personnalisation des peines commence, tout doucement, à s’imposer dans la jurisprudence, sous l’influence de décisions intéres­santes rendues ces dernières années par la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation.

De même, se pose désormais la question de l’application éventuelle d’un sursis aux amendes fiscales présentant un caractère pénal. La Cour constitutionnelle a rendu plusieurs décisions en vertu desquelles elle juge l’absence de sursis contraire au principe d’égalité. Une inter­vention législative serait la bienvenue, car la Cour constitutionnelle ayant constaté l’inconstitutionnalité du système actuel et les juges ne pouvant pallier la lacune législative, l’État belge engage sa responsabilité dans chaque cas où, par défaut de réaction à la position adoptée par la Cour constitutionnelle, un contribuable se voit privé du droit au sursis.

Les Cours et Tribunaux considèrent généralement, en attendant cette hypothétique inter­vention législative, qu’ils doivent dégrever l’accroissement dans son intégralité, s’ils constatent que le contribuable aurait pu bénéficier d’un sursis, s’il était prévu par une loi.