Dépenses privées ou de société

Regardons les conditions générales de déduction des frais professionnels ainsi que les règles particulières pour un immeuble appartenant à une société

Dépenses privées ou de société

1. Quels sont les contribuables et les revenus concernés par la question des frais professionnels ?

1.1. Faut-il faire une distinction en fonction des contribuables visés ?

Oui. Définir quels sont les revenus taxables en Belgique implique d’énumérer les différentes catégories de contribuables assujettis à l’impôt sur les revenus.

Il en existe de trois sortes :

§  les personnes physiques ;

§  les sociétés ;

§  les personnes morales.

On parle donc de l’impôt des personnes physiques, de l’impôt des sociétés et de l’impôt des personnes morales.

Il est utile de commencer par faire une brève description de ces trois catégories de contri­buables pour cerner la notion de revenus professionnels et ensuite comprendre la logique sous-jacente aux frais professionnels.

Outre ces trois catégories de contribuables, ceux qui ne sont pas résidents belges peuvent néanmoins faire l’objet d’un impôt en Belgique. Ces derniers sont assujettis à l’« impôt des non-résidents ». L’étude de cet impôt dépasse néanmoins le cadre du présent dossier et il ne sera donc pas examiné ici.

1.1.1. L’impôt des personnes morales

Les personnes assujetties à l’impôt des personnes morales, telles que p.ex. les « vraies » ASBL et fondations (c’est-à-dire celles qui ne se livrent ni à une exploitation ni à des opérations de caractère lucratif), n’ont pas d’activité professionnelle en tant que telle (art. 220 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : « CIR 92 »)).

Ces contribuables sont uniquement taxés sur certains types de revenus (essentiellement des revenus immobiliers et mobiliers) définis par la loi.

La détermination de leurs revenus taxables implique, le cas échéant, la déduction de certains frais (par exemple dans le cadre du calcul de plus-values taxables) mais il n’est pas question de « frais professionnels » vu que ces contribuables ne perçoivent pas de revenus professionnels.

Nous ne nous attarderons donc que de manière très marginale sur cette catégorie de contribuables dans la présente contribution.

1.1.2. L’impôt des personnes physiques

Les personnes assujetties à l’impôt des personnes physiques sont les individus qui ont la qualité d’habitants du Royaume (art. 3 CIR 92).

La qualité d’habitant du Royaume s’acquière en établissant en Belgique soit son domicile, soit le « siège de sa fortune ».

Ces contribuables sont taxés sur la base de quatre catégories distinctes de revenus :

§  les revenus immobiliers (retirés des immeubles) ;

§  les revenus mobiliers (retirés des biens meubles, tels les placements financiers) ;

§  les revenus professionnels (retirés de l’activité professionnelle) ;

§  les revenus divers (sont notamment visés : certaines plus-values, prix et subsides, rentes alimentaires, les revenus de la sous-location, etc.).

La taxation de chacune de ces catégories de revenus répond à une logique propre (en ce qui concerne la détermination du revenu, le taux, les exonérations, etc.). Si l’évaluation du revenu taxable de chacune des quatre catégories implique la déduction de certains frais, les frais professionnels ne peuvent – logiquement – venir en déduction que des revenus professionnels.

Cela étant, il faut être attentif au fait que lorsque des biens/activités, dont les revenus sont en principe taxés au titre de revenus immobiliers ou mobiliers (voire divers), sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle, les revenus retirés de ces biens/activités sont taxables à titre de revenus professionnels. Vous pourrez par exemple être visé si vous disposez d’un patrimoine immobilier relativement important, que vous gérez de manière suffisamment « dynamique » pour que cela soit constitutif d’une activité professionnelle.

1.1.3. L’impôt des sociétés

Cet impôt vise « toute société, association, établissement ou organisme quelconque régu­lière­ment constitué qui possède la personnalité juridique [et qui] se livre à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif » (art. 2, al. 1, 5° CIR 92). Ces entités sont qualifiées de « sociétés » au sens du CIR 92 et taxées à l’impôt des sociétés (art. 179 CIR 92).

Il n’est donc pas nécessaire d’être une société au sens commun du terme pour être assujetti à l’impôt des sociétés. C’est pour cette raison que certaines ASBL sont passibles de l’impôt des sociétés.

Il ne faut toutefois pas se méprendre : certaines entités qui pourraient rentrer dans la définition de « société » expliquée ci-avant restent néanmoins exclues de l’impôt des sociétés et sont alors assujetties à l’impôt des personnes morales (art. 180-182 CIR 92). Tel est notamment le cas de contribuables actifs dans des domaines d’« activités privilégiées » comme par exemple certaines sociétés de transport en commun.

Contrairement aux revenus taxés à l’impôt des personnes physiques, les revenus taxés à l’impôt des sociétés ne sont pas distingués en catégories. On enseigne en effet que tout le patrimoine d’une « société » est affecté à son activité professionnelle et que, par conséquent, tous ses revenus ont une nature professionnelle.

Comme les contribuables assujettis à l’impôt des personnes physiques, ceux assujettis à l’impôt des sociétés sont donc évidemment concernés par la notion des frais professionnels.

1.2. Comment circonscrire la notion de revenu professionnel ?

1.2.1. Qui sont les contribuables concernés ?

Il ressort du point 1.1. que la notion de revenu professionnel – et par conséquent aussi celle de frais professionnel – concerne deux catégories de contribuables : les personnes assujetties à l’impôt des personnes physiques et celles assujetties à l’impôt des sociétés.

Si pour les personnes assujetties à l’impôt des sociétés, tous les revenus sont taxables au titre de revenus professionnels, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les personnes assujetties à l’impôt des personnes physiques.

Pour ces derniers, tout est in fine question d’appréciation factuelle pour savoir si telle activité est ou non professionnelle. Dans leur chef, certains revenus sont taxés à titre de revenus immobiliers, mobiliers ou divers mais en outre, certains de leurs revenus sont purement et simplement non taxables car relevant de la vie privée et/ou de la gestion normale du patrimoine privé.

En effet, l’existence de revenus professionnels suppose évidemment l’exercice d’une activité professionnelle, c’est-à-dire d’une activité continue et habituelle exercée dans un but de lucre. Ainsi, on enseigne parfois que « la taxe professionnelle atteint le profit qui est le résultat du travail » (Cass., 06.02.1933, Pas., 1933, I, p. 94). Or les activités des « individus » ne sont pas toutes menées dans le cadre de leur profession.

Parfois, la distinction entre une activité privée ou une activité professionnelle accessoire peut être ténue. Régulièrement, l’administration a tendance à qualifier un hobby en activité professionnelle, à tout le moins accessoire, afin de taxer les revenus retirés de cette activité par le contribuable.

Exemple

L’administration a tenté de qualifier de revenus professionnels les primes reçues par un professeur de français lors de ses participations à des concours hippiques avec son cheval. Son raisonnement était qu’il s’agit non pas d’un hobby, mais d’une activité professionnelle consistant à élever et soigner des chevaux et à participer à des courses hippiques.

Toutefois, la Cour d’appel d’Anvers n’a pas suivi ce raisonnement et a indiqué que le produit de l’occupation lucrative n’est imposable à titre de revenus professionnels que si les activités exercées consistent en un ensemble d’opérations se répétant assez fréquemment et présentant un caractère professionnel (Anvers, 02.10.1995, Fisc. n° 561).

Mais les répétitions ne suffisent pas en soi pour conclure à l’existence d’une activité professionnelle. Ce n’est que lorsque l’activité privée est exercée d’une manière hautement organisée que les revenus qu’elle génère revêtent un caractère professionnel (Anvers, 02.10.1995).

En sens contraire, certains particuliers essaieront de « fiscaliser » un hobby afin de déduire les dépenses y relatives.

Exemple 

Un contribuable, métallurgiste de profession, est un passionné de photographie qu’il revendique plus comme un hobby. Il souhaite toutefois déduire fiscalement certains frais relatifs à ses activités de photographe. L’administration refuse cette déduction, au motif qu’il n’est pas démontré que les frais se rapportent à l’exercice d’une activité professionnelle.

La Cour d’appel d’Anvers donne tort à l’administration et autorise la déduction. Selon la Cour, la déclaration du contribuable selon laquelle il ne s’agirait que d’un hobby ne signifie pas que l’occupation accessoire de l’intéressé ne pourrait pas devenir une activité indépendante qui excéderait le simple loisir. La Cour observe aussi que le contribuable a payé, en tant qu’indépendant débutant, des cotisations sociales pour une profession accessoire, cotisations dont la déduction a bien été admise. Il a dû consentir des investissements en « frais de promotion de photos », mais cela ne lui a pas procuré de revenus pour l’exercice d’imposition concerné. Toutefois, c’est sans importance : il suffit que ces frais contribuent à l’acquisition, même ultérieure de revenus professionnels (Anvers, 22.12.1998, Fisc. n° 697).

1.2.2. Quel est le revenu imposable ?

Une fois que l’on sait ce qui est recueilli à titre de revenus professionnels, se pose la question de la mesure dans laquelle ces revenus doivent être soumis à l’impôt. Il convient en effet d’effectuer un certain nombre d’opérations pour passer du revenu brut (ou du chiffre d’affaires) au revenu imposable.

Dans ce cadre, l’une des premières choses à faire est de déduire les frais professionnels. Ainsi, la prise en compte des dépenses est une étape essentielle à la détermination du revenu imposable. La question qui en découle est évidemment de déterminer avec précision les frais qui sont effectivement déductibles.

Un élément important à garder en tête à cet égard concerne la charge de la preuve (vous incombe-t-elle ou incombe-t-elle à l’administration ?).

En effet, en règle, c’est à l’administration de démontrer que vous n’auriez pas déclaré l’ensemble de vos revenus. La charge de la preuve de l’existence de revenus taxables repose donc normalement sur le fisc.

À noter. Si vous avez omis de rentrer votre déclaration dans les formes et délais requis ou que si vous ne donnez pas correctement suite à certains actes d’investigation de l’administration (demande de renseignements, avis de rectification, etc.), la charge de la preuve s’inverse. Dans ce cas, l’administration peut vous taxer sur la base des éléments qu’elle sait valablement présumer et vous devez alors apporter la preuve contraire si vous voulez échapper à la taxation.

Par contre, c’est à vous qu’il revient en toute hypothèse de démontrer la réalité et le montant des frais que vous entendez déduire de vos revenus. Autrement dit, lorsqu’un contribuable souhaite défalquer des frais de ses revenus professionnels bruts, c’est à lui de démontrer que ces frais sont bel et bien des dépenses professionnelles déductibles répondant aux conditions de déductibilité, exposées ci-après.

 

 

 

       I.            Règles de déduction particulières à certains types de dépenses : frais relatifs à un immeuble appartenant à une société (ou sur lequel la société détient un droit réel) – Location d’un immeuble par un dirigeant à sa société

1. Immeuble affecté totalement à l’activité professionnelle de la société

Lorsqu’une société est propriétaire d’un immeuble qu’elle affecte totalement à ses activités professionnelles, la déduction des frais et amortissements liés à cet immeuble ne pose en principe aucun problème particulier.

Pour autant que les conditions générales de déduction soient respectées, la déduction des dépenses doit être admise.

Les principaux frais susceptibles de se rapporter à l’immeuble sont notamment les suivants :

§  frais d’acquisition de l’immeuble (dont les éventuels droits d’enregistrement) ;

§  amortissements ;

§  précompte immobilier et autres taxes locales ;

§  frais d’entretien et de réparation ;

§  intérêts pour le financement de l’acquisition et/ou des travaux d’aménagement ;

§  etc.

Nous n’approfondissons pas l’hypothèse d’une affectation exclusivement professionnelle : non seulement celle-ci ne doit normalement pas poser de problème particulier mais le présent ouvrage est consacré aux frais professionnels ayant également un caractère privé.

En revanche, nous examinons ci-dessous plus en détails les cas où une société est propriétaire d’un immeuble (ou détient un droit réel immobilier) utilisé en tout ou en partie par son dirigeant ou un travailleur (voir ci-après).

2. Immeuble affecté en partie à l’activité professionnelle de la société et en partie à l’usage privé du dirigeant (ou d’un travailleur)

Lorsqu’une société est propriétaire d’un immeuble ou détient un droit réel sur un immeuble et que cet immeuble est utilisé en tout ou en partie à des fins privées par un de ses dirigeants ou travailleurs, la situation doit être examinée dans le chef à la fois de la société et du dirigeant/travailleur occupant le bien à titre privé :

§  Pour la société, la question principale est de savoir si elle peut déduire à l’impôt des sociétés les dépenses afférentes à l’immeuble ;

§  Pour le dirigeant d’entreprise ou le travailleur, la question principale est de déterminer les avantages de toute nature (ATN) imposables dans son chef à l’impôt des personnes physiques.

Il y a des liens d’interdépendance entre ces deux aspects.

2.1. Déduction dans le chef de la société : problèmes, points d’attention et précautions à prendre

Principe

En principe, les frais liés à la mise à disposition gratuite d’un immeuble au profit d’un dirigeant d’entreprise ou d’un travailleur sont déductibles dans le chef de l’employeur (qu’il soit assu­jetti à l’impôt des personnes physiques ou à l’impôt des sociétés).

En effet, il s’agit de dépenses exposées en vue d’octroyer de la rémunération, certes en nature, aux travailleurs ou dirigeants d’entreprise. Or, le paiement de rémunérations est une dépense déductible.

Ce raisonnement est connu sous le nom de « théorie de la rémunération ».

Cela étant, nous avons vu que, pour être déductibles, la jurisprudence exige que les dépenses soient en lien nécessaire avec l’exercice de la profession et qu’à l’impôt des sociétés, cela revient à dire qu’elles doivent se rattacher nécessairement à l’« activité sociale ».

Sur cette base, la jurisprudence avait souvent estimé par le passé que des dépenses faites par des sociétés, concernant des immeubles d’habitation mis à disposition de dirigeants à titre privé, doivent être rejetées, à défaut pour les dépenses d’être en lien nécessaire avec l’activité habituelle de la société.

Souvent, le fait que la mise à disposition ait fait l’objet d’un avantage de toute nature et, par conséquent, que le bénéficiaire ait été taxé dessus n’y a rien changé. Le fait que l’évaluation forfaitaire puisse être inférieure à la valeur de marché de l’avantage est sans doute à la base du raisonnement de l’administration justifiant le rejet de ces frais, invoquant la prétendue absence de lien avec l’activité professionnelle. En réalité, le caractère favorable de l’évaluation forfaitaire de l’avantage de toute nature ne se vérifie plus systématiquement en pratique depuis que la formule de calcul a été modifiée en 2012 (ainsi, le multiplicateur de 2 est passé à 3,8). Ceci sera illustré dans les explications et exemples ci-dessous.

Même si la question reste controversée et si la jurisprudence se montre encore assez indécise pour l’instant, certaines décisions plus récentes semblent toutefois prendre une position nuancée, en orientant le raisonnement sur le constat que de telles dépenses ont été faites en vue d’accorder un avantage de toute nature au dirigeant (fut-il taxé forfaitairement) en contrepartie de l’activité exercée par ce dernier au sein de la société, pour admettre la déduction.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014 (F.13.0118.F), la Cour de cassation s’est prononcée sur le cas d’un médecin ORL qui exerçait sa profession au travers d’une SPRLU. Le médecin travaillait dans une clinique. La société avait acquis une maison que le médecin occupait avec sa famille, à proximité de la clinique dans laquelle il exerçait ses activités. La société déduisait les frais afférents à cette maison et un avantage de toute nature pour la mise à disposition gratuite de celle-ci était déclaré et taxé dans le chef du médecin.

L’administration rejeta la déduction des dépenses afférentes à l’immeuble, notamment au motif que l’habitation était uniquement utilisée pour les besoins privés de son gérant, et que ces frais n’étaient donc pas inhérents à l’activité de la société.

La Cour de cassation a donné raison au médecin. Elle a ainsi admis la « théorie de la rémunération », à savoir que les frais engagés par une société pour attribuer un avantage de toute nature à son dirigeant sont des frais déductibles, tels que par exemple les frais liés à l’acquisition et la détention d’un immeuble de la société mis gratuitement à disposition de son dirigeant.

Toutefois, même si la Cour de cassation admet la théorie de la rémunération, il convient d’être prudent. En effet, la jurisprudence considère que la « théorie de la rémunération » s’applique pour autant que l’avantage de toute nature rémunère des prestations effectives du dirigeant dans le cadre de l’activité de la société (voir notamment : Cass., 20.06.2013 ; Anvers, 13.01.2015, Cour. fisc., 2015, n° 8, p. 726-730 ; Cass., 14.10. 2016, Fisc. n° 1496, p. 1).

Ainsi, la Cour d’appel d’Anvers refuse systématiquement la déduction s’il n’est pas démontré que ces frais ont été faits ou supportés en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables, ce qui implique – selon la Cour – que la société apporte la preuve qu’en offrant l’usage de l’habitation, elle rémunère son dirigeant d’entreprise pour les prestations qu’il a effectivement fournies (Anvers, 06.03.2018, deux arrêts, Fisc. n° 1576, p. 16 s.).

Exemple

L’affaire suivante illustre cette problématique.

Dans un arrêt du 25.03.2014, la Cour d’appel de Gand a eu à se prononcer sur le cas suivant. La société d’un médecin a acquis l’usufruit d’une résidence de week-end à la mer, meublée, avec un emplacement de parking.

La société mit cette résidence à la disposition de son gérant médecin. L’administration a rejeté la déduction des frais qui avaient été demandée par la société.

La Cour de Gand a donné raison à l’administration pour les raisons suivantes. Les frais relatifs à l’acquisition d’un tel droit sur une maison de villégiature ne sont pas constitutifs d’une dépense faite en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. Les frais exposés sont en rapport avec les loisirs privés du gérant de la société et sont en dehors du cadre de la réalisation de l’objet social de la société.

Le fait que la mise à disposition d’une telle maison de vacances au gérant soit constitutive dans son chef d’un avantage de toute nature n’a aucun impact. Il est en effet rappelé que les rémunérations ne constituent des frais professionnels déductibles que pour autant qu’elles soient accordées en contrepartie de prestations effectives, ce qui n’est pas prouvé, ici, par le gérant (Fisc. n° 1387). La Cour de cassation a rejeté le pourvoi introduit par la société contre cet arrêt (Fisc. n° 1496, p. 1).

De même, dans un arrêt du 22 septembre 2015, après avoir rappelé la récente juris­prudence de la Cour de cassation, la Cour d’appel d’Anvers a indiqué que la nouvelle position de la Cour de cassation ne pouvait pas porter préjudice à la condition contenue dans l’article 49 CIR 92 selon laquelle les frais doivent être faits ou supportés pour acquérir ou conserver des revenus imposables. En l’espèce, la Cour d’appel d’Anvers avait indiqué que, quand bien même les frais avaient été exposés par la société, il n’avait nullement été démontré que son intention était de les exposer pour réaliser des revenus (Fisc. n° 1447).

La Cour d’appel de Mons a aussi rejeté la déduction des frais d’un immeuble appartenant à une société de médecins à concurrence de la partie privée mise à disposition du gérant et de sa famille (arrêt du 24.02.2016, Fisc. n° 1469).

Dans un jugement du 20 avril 2016, le Tribunal de première instance de Namur a rejeté la déduction des frais relatifs à la construction de deux vérandas et l’aménagement d’une cuisine équipée contracté par une SPRLU, laquelle avait acheté à ses gérants l’usufruit d’un ensemble immobilier. Le tribunal a ainsi suivi l’avis de l’administration sur le fait que les travaux étaient relatifs à la partie strictement privée de l’habitation et qu’il n’est pas prouvé que les charges litigieuses avaient été exposées par la SPRLU en vue de conserver ou d’acquérir des revenus professionnels.

Pour écarter la « théorie de la rémunération », le tribunal a égale­ment relevé à l’appui de sa décision, le fait que les gérants n’avaient pas d’initiative déclaré un avantage de toute nature pour l’utilisation privée de l’immeuble et que dès lors il ne pouvait prétendre que les dépenses avaient été supportées par la société pour consentir un avantage de toute nature rémunératoire à ces gérants.

Enfin, dans un arrêt du 21 septembre 2018 (Juridat), la Cour de cassation a confirmé le rejet de la déduction des frais relatifs à l’acquisition d’un bien immobilier à la côte par une société médicale. La Cour de cassation a décidé que la Cour d’appel d’Anvers avait valablement motivé ce rejet en mettant notamment en évidence que : l’acquisition s’était faite au moyen de fonds empruntés et qu’il ne s’agissait pas d’un investissement de liquidités ; il n’y avait pas de preuve de l’intention de rentabiliser le bien immobilier, celui-ci ayant uniquement été mis à la disposition du gérant moyennant une indemnité modique et n’ayant pas été mis en location ; rien n’indiquait que le bien puisse être vendu à terme avec une grosse plus-value, etc.

En résumé, même si la Cour de cassation a accepté la « théorie de la rémunération », la possibilité de déduire les dépenses n’est pas garantie et dépendra souvent in fine des circonstances concrètes du cas d’espèce, mais aussi des fonctionnaires en charge de votre dossier et du juge qui sera amené à trancher l’éventuel litige.

Quelques conseils pratiques pour réduire les risques de contestation :

§  attribution d’un avantage de toute nature à concurrence de la partie utilisée à des fins privées et taxation dudit avantage de toute nature dans le chef du dirigeant ;

§  affectation effective (partielle) de l’immeuble à des fins professionnelles : l’adminis­tration a moins tendance à rejeter les dépenses lorsque l’immeuble est partiellement utilisé à des fins professionnelles de manière effective et que donc seule une partie de celui-ci est mise à disposition (d’un dirigeant) à titre privé. On vise par exemple l’achat d’un immeuble dont un étage sert de surface commerciale/de bureaux et dont le reste sert d’habitation (au dirigeant et à sa famille) ;

§  même si nous avons vu que le lien avec l’objet statutaire n’est plus une condition de déductibilité, il est toujours préférable que le libellé de l’objet social permette l’acqui­sition d’un immeuble ou de droit réel sur un immeuble et sa mise à disposition au dirigeant.

Par exemple, si les statuts font état de la possibilité pour la société de mener « toutes opéra­tions se rapportant directement ou indirectement à l’investissement en matière immobilière ou à l’acquisition de biens immeubles (même si ceux-ci n’ont aucun lien direct ou indirect avec l’objet de la société), la location, la mise à disposition à son gérant/adminis­tra­teur, etc. », la jurisprudence a tendance à accepter plus facilement la déduction des frais liés à l’acquisition d’un immeuble mis à disposition du dirigeant pour son usage privé ;

§  le fait que le bénéficiaire soit effectivement actif au sein de la société et qu’il soit bien établi que la mise à disposition gratuite rémunère le dirigeant pour sa fonction. Ceci peut par exemple être entre autres prouvé par un procès-verbal de l’assemblée générale de la société qui mentionne expressément la décision de la société de rémunérer le dirigeant de cette façon ;

§  et/ou encore le fait que l’avantage ne soit pas exagéré par rapport à l’activité exercée, que les dépenses n’aient pas empêché la société de rester bénéficiaire, etc.

 

Focus : qu’en est-il en cas d’achat d’un immeuble en usufruit/nue-propriété ?

L’hypothèse est celle où le dirigeant achèterait la nue-propriété d’un immeuble dont sa société acquiert l’usufruit.

D’autres mécanismes – plus agressifs – existent aussi. Il s’agit par exemple des montages dits « turbo usufruit ». Ceux-ci visent l’hypothèse où le dirigeant achèterait uniquement la nue-propriété d’un terrain (en personne physique). De son côté, la société achèterait l’usufruit du terrain et ferait ériger un bâtiment.

Ainsi, à l’expiration du droit d’usufruit (portant uniquement sur le terrain), le dirigeant récupérerait non seulement l’usufruit de ce dernier, mais également la pleine propriété des constructions. Il va sans dire que l’administration se montre généralement réticente à l’égard de telles opérations.

Pour l’essentiel, dans le cadre d’opérations usufruit/nue-propriété, deux questions se posent principalement. La première est de savoir dans quelle mesure les frais supportés par la société sont déductibles et la seconde est de l’évaluation de l’éventuel avantage de toute nature.

La déduction des frais

La problématique est essentiellement la même que celle des frais liés à l’acquisition par la société d’un immeuble en pleine propriété.

Dans la mesure où l’immeuble acquis en usufruit/nue-propriété n’est pas utilisé dans le cadre de la réalisation de l’objet social, l’administration a tendance à rejeter la déduction des frais supportés par la société.

La jurisprudence a également tendance à rejeter la déduction s’il n’est pas démontré que ces frais ont été réalisés ou supportés dans le but d’acquérir ou de conserver les revenus imposables, ce qui implique que la société rapporte la preuve qu’en mettant à la disposition de son dirigeant d’entreprise une habitation, elle rémunère ce dernier pour les prestations effectivement fournies à son profit (Anvers, 06.03.18, n° 2016/AR/1502, Fisc. n° 1576, p. 16 s.).

Bien qu’il faille être attentif lors de la réalisation de telles opérations vu la position très stricte de l’administration, on constate que la jurisprudence admet encore souvent que de telles dépenses sont bien constitutives de l’octroi d’un avantage de toute nature évalué forfaitairement, constituant une rémunération dans le chef de leur bénéficiaire et engendrant par conséquent des dépenses déductibles dans le chef de la société (cf. p.ex. Liège, 01.02.2012, Fisc. n° 1301).

L’éventuel avantage de toute nature à l’expiration de l’usufruit

La problématique ici est de savoir si, à l’expiration de l’usufruit, lorsque la pleine propriété du bien revient au dirigeant, ce dernier se voit octroyer un avantage. Le critère essentiel à retenir est que l’opération doit être réalisée dans des conditions normales de marché.

Ainsi, le service des décisions anticipées (SDA) est d’avis qu’au moment de la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété, il n’y a pas d’avantage taxable, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

§  L’usufruit a été acquis à sa valeur réelle par la société ;

§  La durée de l’usufruit est longue. Le Service des décisions anticipées exige générale­ment une durée d’au moins 20 ans, étant entendu qu’un usufruit consenti à une société ne peut pas durer plus de 30 ans ;

§  Seuls les travaux incombant à l’usufruitier sont pris en charge par ce dernier (c’est-à-dire la société) ;

§  L’usufruitier (la société) et le nu-propriétaire (le dirigeant) se sont comportés comme des parties indépendantes pendant la durée de l’usufruit ;

§  Il est prouvé que l’immeuble sert effectivement aux activités de la société.

Si l’ensemble de ces conditions sont réunies, à l’échéance du droit d’usufruit, le nu-pro­priétaire (le dirigeant) recueille en principe la pleine propriété du bien sans indemnité et sans comptabilisation d’un avantage de toute nature dans son chef (voir notamment : SDA, déc. ant. n° 900.432, 27.04.2010).

Encore récemment, le service des décisions anticipées (SDA) a admis l’opération par laquelle un avocat exerçant sa profession au travers d’une société fasse l’acquisition démembrée d’un immeuble (usufruit par la société et nue-propriété par l’avocat et son épouse en personnes physiques) (SDA, déc. ant. n° 2014.006, 28.01.2014).

Le contribuable a notamment mis en évidence les points positifs suivants :

§  acquisition de l’usufruit à sa valeur réelle ;

§  un usufruit sur une durée de 20 ans ;

§  le bâtiment correspond parfaitement aux besoins du cabinet d’avocats à l’extension des activités ;

§  le nouvel immeuble se situe à proximité directe de l’ancienne adresse, de sorte que le déménagement ne « perturbera » pas la clientèle ;

§  etc.

Focus : qu’en est-il en cas de construction d’un immeuble par une société sur le terrain appartenant à son dirigeant ?

L’hypothèse est celle où la société bâtit un immeuble sur un terrain qui appartient à son dirigeant.

Naissance d’un droit de superficie

Dans ce cas, il peut y avoir naissance d’un droit de superficie, c’est-à-dire est une « scission horizontale » de la propriété. En effet, dans cette hypothèse, le dirigeant serait propriétaire du fond alors que la société serait propriétaire de l’immeuble pendant toute la durée de l’existence du droit de superficie.

En principe, en cas de la construction de l’immeuble sur le terrain d’autrui, le propriétaire du terrain devient automatiquement propriétaire des constructions. Il s’agit du principe de l’accession (art. 552 C. civ.).

Cependant, le propriétaire peut renoncer (éventuellement de manière tacite) à l’accession. Dans ce cas, naît un droit de superficie. Il s’agit d’un droit temporaire (d’une durée de maximum 50 ans, mais renouvelable), qui consiste à être propriétaire de bâtiments, ouvrages ou plantations sur le terrain d’autrui (L. 10.01.1824 concernant le droit de superficie). À l’expiration du droit, le propriétaire du terrain devient « naturellement » propriétaire des constructions.

Octroi d’un avantage ?

Lors de la construction, une question qui se pose est celle de savoir s’il est question d’un avantage de toute nature octroyé au dirigeant, propriétaire du fonds.

La jurisprudence récente semble admettre qu’en cas de construction d’un bâtiment (en tout cas à usage professionnel) par une société sur le fonds appartenant à son dirigeant, il y a une « renonciation tacite » au droit d’accession et donc qu’un droit de superficie (tacite) est créé, de telle sorte que la société reste propriétaire des constructions, ce qui implique qu’il n’y a pas d’avantage octroyé à ce moment.

Si la preuve de la renonciation à l’accession (et donc de la constitution d’un droit de super­ficie) ne doit pas nécessairement faire l’objet d’une convention écrite, il est préférable d’y recourir pour régler les modalités du droit de superficie (notamment sa durée), mais surtout pour être dans la mesure de s’en servir de preuve en cas de contrôle de l’administration.

Une première hypothèse serait donc que la société construise un immeuble sur un terrain appartenant au dirigeant afin qu’elle y exerce son activité. Dans ce cas, les dépenses (intérêts d’emprunt pour réaliser les travaux, frais occasionnés par ceux-ci, amortissement des constructions, etc.) sont manifestement en lien nécessaire avec l’activité sociale de la société, de telle sorte que celle-ci pourra les déduire/les amortir fiscalement. Le Service des décisions anticipées a confirmé cela, en précisant que, si le droit de superficie a une durée de 20 ans (ce qui était le cas dans la demande qui lui était soumise), les constructions peuvent être amorties sur 20 ans (déc. n° 2012.198, 19.06.2012).

Une alternative serait de faire construire un bâtiment pour l’utiliser à des fins autres que professionnelles. Se pose alors la question de la déduction des frais/des amortissements. Dans ce cas, les questions qui se posent sont du même ordre que celles concernant les frais liés à l’acquisition de la propriété ou de l’usufruit d’un immeuble pour le mettre à disposition d’un dirigeant.

Évidemment, à l’expiration du droit de superficie, c’est-à-dire lorsque le dirigeant (propriétaire du fonds) acquiert la pleine propriété des constructions, celui-ci recueille en principe un avantage de toute nature, taxable dans son chef.

Cependant, et tel que cela ressort des points précédents, la preuve du caractère imposable d’un avantage de toute nature (c’est-à-dire d’une rémunération) repose en principe sur l’administration. Il faut en effet que l’avantage ait été acquis en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle. Dans le cadre de cette problématique d’acquisition gratuite de bâtiments à l’expiration du droit de superficie, la jurisprudence admet assez facile­ment qu’un tel lien causal existe entre les avantages et l’exercice de l’activité profes­sionnelle, sur la base du constat que l’octroi de l’avantage serait impensable sans l’activité professionnelle en question (c’est-à-dire généralement l’activité de dirigeant d’entreprise).

Pour connaître le montant de cet avantage, il convient évidemment d’en évaluer la valeur, au moment de l’accession.

2.2. Avantages de toute nature liés à l’utilisation privée d’un immeuble appartenant à une société

2.2.1. Avantage de toute nature (ATN) lié à la mise à disposition gratuite d’immeubles, de parties d’immeubles ou d’une seule pièce et autres investissements en immobilier

Mise à disposition gratuite d’un immeuble non meublé

Jusque fin 2018, lorsqu’un immeuble bâti était mis gratuitement à la disposition d’un travailleur par un employeur personne physique, la valeur de l’avantage octroyé était fixée forfaitairement à 100/60 du revenu cadastral indexé. Lorsque cet avantage était accordé par une personne morale (société, ASBL, etc.), le législateur prévoyait que cet avantage devait être augmenté en le multipliant par :

§  un facteur 1,25 lorsque le revenu cadastral ne dépassait pas 745 € ; et

§  un facteur 3,8 lorsque le revenu cadastral était plus élevé.

Au cours de la période 2016-2018, plusieurs cours d’appel et tribunaux de première instance ont jugé que cette différence dans le mode de calcul en fonction du statut de l’auteur de l’avantage violait le principe constitutionnel d’égalité (voyez notamment Fisc. 2018, n° 1560, p. 11). L’évaluation plus élevée ne pouvait dès lors plus être appliquée, de sorte que seule la règle de base (à savoir, 100/60 du RC indexé) demeurait applicable.

Dans une circulaire du 15 mai 2018, l’administration a accepté ce point de vue, si bien que l’évaluation de l’avantage restait limitée à 100/60 du RC indexé. Cette « tolérance adminis­trative » devait par ailleurs rester d’application jusqu’à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales de l’article 18, §3, 2, AR/CIR 92 (circ. 2018/C/57, également disponible sur Fisconetplus).

Ces nouvelles dispositions légales ont finalement été introduites (AR 07.12.2018, MB 27.12.2018). Depuis le 1er janvier 2019, un facteur de multiplication 2 est appliqué dans tous les cas, quelle que soit l’identité de celui qui met l’immeuble à disposition et quel que soit le montant du RC.

Pour mémoire, signalons que pour les immeubles non bâtis, les règles n’ont pas changé et que l’avantage de toute nature est toujours égal au revenu cadastral indexé × 100/90 (quel que soit le montant du revenu cadastral).

Mise à disposition d’une habitation meublée

En cas de mise à disposition d’un immeuble meublé, l’avantage de toute nature doit toujours être majoré de 2/3.

Mise à disposition pendant une partie de l’année seulement

Si l’immeuble n’est mis à la disposition du travailleur ou du dirigeant que durant une partie de l’année, l’avantage taxable dans son chef devra être calculé prorata temporis.

Auparavant, l’avantage était calculé sur la base du nombre de mois d’occupation seulement. Si la mise à disposition débutait ou prenait fin dans le courant d’un mois déterminé, le revenu cadastral qui se rapportait à ce mois n’entrait en considération pour le calcul de l’avantage que si l’immeuble était occupé le 16e jour du mois.

Depuis le 1er janvier 2017, pour fixer l’avantage imposable, on tient compte dorénavant du nombre réel de jours durant lesquels un travailleur ou un dirigeant d’entreprise a occupé gratuitement un immeuble, et non plus en fonction du nombre de mois (circ. AGFisc 43/2016 (Ci.702.734), 19.12.2016).

Exemple

Un dirigeant reçoit l’usage d’une habitation à partir du 6 mars ; RC de l’habitation : 1 250 €. L’avantage imposable sera dorénavant calculé, pour cette année, sur la base d’un RC limité à 1 250 € × 301/365 = 1 030,82 €.

Mise à disposition d’une habitation excédant « manifestement » les besoins du bénéficiaire

Si l’immeuble mis à disposition excède les besoins personnels du travailleur ou du dirigeant (compte tenu notamment de sa situation familiale), ce dernier ne sera taxé que sur la base d’un revenu cadastral qui correspond à ses besoins réels. Il faut que cette situation soit imposée au bénéficiaire. Ceci signifie qu’un employeur ou une société oblige un travailleur ou son dirigeant, pour des motifs impérieux liés à l’exercice de l’activité professionnelle, à y résider et qu’il n’existe pas d’alternative correspondant aux besoins réels du travailleur ou du dirigeant d’entreprise. Le texte n’impose pas qu’une exigence légale, réglementaire ou contractuelle soit à l’origine de l’obligation d’occuper le bien.

Selon l’administration, cela vise par exemple le cas d’un gérant d’une agence bancaire (travailleur ou dirigeant d’entreprise) qui est contractuellement obligé d’occuper un apparte­ment au-dessus de l’agence ou un immeuble situé en face de celle-ci ou encore d’un agent de maintenance et de surveillance chargé d’une unité autonome de fabrication qui doit, en cas de défaillance de celle-ci, pouvoir la relancer et/ou la réparer en un temps restreint et, à cette fin, doit donc pouvoir l’atteindre rapidement sans dépendre d’un moyen de transport (circ. AGFisc 12/2014 (Ci.RH.241/632.642), 02.04.2014).

Attention ! Ces règles d’évaluation ne valent que pour les immeubles sis en Belgique. S’il est question d’un immeuble situé à l’étranger, le travailleur ou le dirigeant sera taxé sur la base d’un avantage correspondant à la valeur locative du bien. Il n’est alors plus question d’une évaluation forfaitaire de l’avantage.

Impact d’une contrepartie payée par le bénéficiaire

Si le travailleur ou le dirigeant paie un loyer ou une autre participation pour l’occupation de l’immeuble, celui-ci/celle-ci est déduit(e) de l’évaluation de l’avantage.

Mise à disposition d’une partie d’immeuble

Si le bien mis à la disposition du travailleur ou du dirigeant est limité à une partie d’immeuble, le raisonnement et les calculs sont les mêmes que s’il s’agit d’un immeuble en tant que tel, sauf qu’il faut seulement prendre en compte le revenu cadastral (indexé) de la partie en question de l’immeuble.

Mise à disposition d’une seule pièce

Si le logement mis à votre disposition est composé d’une seule pièce d’habitation, l’avantage de toute nature taxable dans le chef du bénéficiaire est égal à 0,74 € par jour (soit 266,40 € par an).

2.2.2. Fourniture gratuite de chauffage et d’électricité utilisée à d’autres fins que le chauffage

Pour cet avantage de toute nature, l’évaluation varie selon que le bénéficiaire fasse partie du « personnel de direction » de l’entreprise ou non.

Par « personnel de direction » on vise les dirigeants d’entreprise tels que définis ci-avant, ainsi que les autres travailleurs qui occupent des fonctions de direction.

L’avantage est évalué de la manière suivante pour l’année 2019 (exercice d’imposition 2020) :

Pour le personnel de direction

Pour les autres bénéficiaires

Chauffage

Électricité

(utilisée à d’autres fins que pour le chauffage)

Chauffage

Électricité

(utilisée à d’autres fins que pour le chauffage)

2 030 €/an

1 010 €

910 €

460 €

Ces montants sont indexés annuellement.

L’administration considère que pour que l’évaluation forfaitaire s’applique, les factures doivent être établies au nom de l’employeur.

Mise à disposition de domestiques, jardiniers, chauffeurs, etc.

Si vous bénéficiez d’un tel avantage, celui-ci est évalué à 5 950 € par an et par membre de personnel mis à temps plein à votre disposition. L’avantage est réduit proportionnelle­ment si la/les personne(s) mise(s) à votre disposition n’est/ne sont occupée(s) qu’à temps partiel.

3. Qu’en est-il en cas de location d’un immeuble par un dirigeant à sa société ?

Contrairement à ce qui est envisagé ci-avant, l’hypothèse est ici que le dirigeant met un immeuble dont il est propriétaire à disposition de sa société.

Se posent donc les questions de la déduction du loyer payé par la société et du régime de taxation de ce loyer dans le chef du dirigeant.

La déduction des frais dans le chef de la société

Encore une fois, les quatre conditions générales de déduction doivent être rencontrées.

Si la location est faite en vue de mettre un bâtiment ou des pièces à disposition de la société, pour l’exercice de son activité sociale, le critère de causalité (le lien nécessaire avec l’exercice de l’activité professionnelle) sera en principe démontré de manière assez aisée.

Des difficultés surviennent par contre parfois pour démontrer le caractère effectif de l’usage que fait la société du bien loué. Le débat se place plutôt au niveau du critère de finalité (le fait que les dépenses doivent avoir été faites dans le but d’acquérir ou de conserver des revenus imposables). Il existe ainsi beaucoup de litiges concernant des dirigeants qui louent à leur société une pièce de leur domicile privé, utilisée par exemple à titre de bureau/salle de réunion secondaire, etc.

La problématique renvoie à des considérations éminemment factuelles et dépend donc très fort des éléments que le dirigeant peut faire valoir auprès de son contrôleur pour démontrer le caractère effectif de la mise à disposition.

Ainsi, si le dirigeant envisage d’agir de la sorte, il est opportun que le contrat de bail rédigé entre lui et sa société précise exactement dans quel cadre il est conclu et sur quels espaces il porte. Il est évidemment aussi utile de pouvoir démontrer que l’espace loué à la société est effectivement consacré à son activité, que certains investissements ont été faits à cet égard, que des clients y soient éventuellement accueillis, etc.

Remarquez que la jurisprudence semble admettre que pour certaines professions, le caractère professionnel de telles dépenses est assez facilement démontré. Tel est par exemple le cas de comptables, d’avocats ou de notaires qui ont souvent besoin d’un espace où un travail d’études et de recherches peut être effectué, sans nécessairement qu’une clientèle puisse être reçue sur place (voir p.ex. Bruxelles, 24.11.2011, Fiscalnet).

La taxation des revenus dans le chef du dirigeant

Généralement, l’immeuble ou la partie de l’immeuble que le dirigeant loue à sa société proviendra de son patrimoine privé. Le loyer sera donc taxé dans le chef du dirigeant à titre de revenus immobiliers. Il n’est donc pas question de revenus professionnels.

S’agissant d’un immeuble affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du preneur, le revenu taxable est égal au loyer majoré des avantages locatifs, le tout multiplié par 60 % (qui est le coefficient forfaitaire destiné à tenir compte des frais d’entretien et de réparation du bien).

À noter que si le bien donné en location n’est pas un immeuble bâti mais est un terrain, le loyer et les avantages locatifs perçus doivent être multipliés par 90 % pour tenir compte des frais (art. 7, §1, 2, c).

Le loyer pris en compte ne peut pas être inférieur au revenu cadastral indexé majoré de 40 % s’il s’agit d’un immeuble bâti et au revenu cadastral indexé s’il s’agit d’un autre bien immobilier.

Exemple

Si un dirigeant loue à sa société un bureau pour un loyer de 500 € par mois, son revenu taxable au titre de revenu immobilier sera de :

·         loyer : 500 € × 12 = 6 000 € ;

·         réduction pour frais : 6 000 € × 40 % = 2 400 € ;

·         revenu taxable : 6 000 € - 2 400 € = 3 600 €.

Cela étant, si le dirigeant d’entreprise est de la première catégorie (c’est-à-dire qui exerce dans la société des fonctions d’administrateur, de gérant, de liquidateur ou des fonctions analogues), la partie du loyer qui dépasse 5/3 du revenu cadastral revalorisé de l’immeuble loué sera à déclarer son chef en tant que rémunération de dirigeant d’entreprise et pas en tant que revenu immobilier.